En janvier, j’ai perdu mon beau-père. Ce n’était pas mon père biologique, mais c’était mon père. Il m’a élevé toute ma vie comme si j’étais son fils. Il m’a appris à faire du vélo et a même nettoyé mes fesses quand j’étais trop petit pour le faire moi-même. Cela fait des mois et je n’arrive toujours pas à digérer sa mort. Je ne peux dire à personne ce que je ressens parce que mes sentiments n’ont jamais d’importance. Il me manque.
Et c’est bizarre qu’après sa mort, même les choses que je détestais me manquent. Parfois, ma mère, lui et moi allions dans une cabane dans les montagnes pendant les mois d’été. Je détestais ça. Je détestais le fait qu’il n’y avait pas de signal téléphonique, je détestais le manque d’électricité et je détestais vraiment le fait qu’il n’y avait pas de toilettes là-haut.
Je déteste m’accroupir et surtout je déteste m’accroupir derrière un buisson pour pisser.
Mais maintenant, je m’accroupis pendant une heure entière (et je mourrai probablement au passage, je suis vraiment pas doué) juste pour le revoir vivant. Je vivrais dans cette cabane pendant un an et je ne me plaindrais jamais. Il me manque, c’est tout. Ça me manque d’être chassé de la cuisine parce que je grignotais ses ingrédients (et s’ils étaient abîmés ?), ça me manque sa cuisine, ça me manque ses critiques amusantes sur mon mauvais comportement alors qu’il l’encourageait aussi. Sa conduite, que je détestais et craignais pour ma vie, me manque. Je commençais le voyage sur le siège avant et à la fin, je me retrouvais sur la banquette arrière après quelques virages dangereux. Je n’arrive pas à me remettre de sa mort.
Puis, en avril, ma grand-mère est morte. Nous n’étions pas en bons termes à cause d’un drame familial. Mais je regrette de ne pas avoir mis les choses au clair. Je n’ai même pas pu aller à son enterrement parce que je vis à l’étranger et que les frontières étaient fermées à cause du virus. J’ai de bons souvenirs d’enfance d’elle.
En effet, tu as eu une dure année. C’est normal de ressentir ce que tu ressens. Tu étais déjà en deuil d’un être très cher et à ça s’ajoute un deuxième deuil. Mon seul conseil est de chérir les souvenirs heureux que tu as eu de leur vivant. C’est ça qu’ils voudraient que tu te souviennes. Ne sois pas triste quand tu y repenses, revis juste le sentiment que tu avais dans ces moment-là, tu auras presque l’impression de les faire revivre pendant l’espace d’un instant. Tu dois aussi t’autoriser à ressentir la douleur de ces pertes. Je ne peux pas te promettre que tu iras beaucoup mieux demain, mais seulement que la douleur s’atténue avec le temps. Cela fait 5 ans que j’ai perdu ma mère et je ressens toujours une peine immense, mais un petit peu moins intense que le jour où elle est décédé.
Je suis navrée que tu ais eu à vivre ça, je ne le souhaite à personne. Maintenant tu fais partis d’un club, celui des personnes qui ont perdu un de leur parent. Quand un de tes amis te dira « comment vont tes parents » et qu’il se rattrapera en disant « enfin… ta mère ? », toi seul pourra comprendre ce sentiment.
Je n’arrive même pas à le décrire, c’est plus une sorte de gêne mélangé à de la tristesse. Quand tu devras aussi fêter des évènements important de ta vie, ça ne sera pas facile non plus. Dès que je vais à un mariage et que je vois la mère amené son fils, mon cœur se serre. J’ai presque envie de ne jamais me marier pour ne pas avoir à vivre ce moment seul. Je suis navrée de ne pas être plus rassurant, mais c’est la triste vérité. On apprend juste à vivre avec.
Tu devrais y retourné dans cette cabane, et y aller seul. Ca serait peut-etre un moyen pour toi de faire ton adieu avec ton beau-père. Moi je l’ai fait, je me suis rendu dans cet hotel près de la mer où j’avais demandé ma femme en mariage. On y retournait chaque année pour fêter notre anniversaire. J’y suis allé seul, j’ai beaucoup pleurer et j’ai lâché prise. Je suis toujours extrêmement triste, mais ca m’a fait du bien.